In the face of climate crises and the limits of the agro-industrial model, we are proposing an overhaul of agricultural research.
For several months, we, a group of 27 researchers from the French National Research Institute for Agriculture, Food, and the Environment (INRAE), have been reflecting together on the future of our Institute. Some of us have recently joined INRAE, while others have devoted their entire careers to it. Together, we form a group with diverse expertises, experiences, and scientific fields. We are collectively submitting our candidacy for the presidency of INRAE with a clear ambition: to question the direction of research programming to support agriculture that is profitable, respectful of ecosystems and ensures healthy food for all.
The history of INRAE is inseparable from that of French agriculture. Created nearly 80 years ago to respond to the post-war food shortage, the Institute contributed to the rise of a productivity-focused agriculture. This approach, based on the genetic improvement of crops and animals, the massive use of fertilizers and pesticides, and resource-intensive agricultural practices, transformed our agriculture. CEMAGREF, which later became IRSTEA, enabled the development of technologies that modernized farms, often to the detriment of ecosystems and farmers, whose debts and carbon footprints have continued to grow.
While this agro-industrial model has managed to feed France for decades, it now shows its limitations. Overconsumption of energy and water resources, groundwater pollution, soil degradation, the decline of biodiversity in fields, occupational diseases, and public health impacts are all consequences. Moreover, this model fails to guarantee fair remuneration for the entire agricultural sector, while disproportionately enriching certain actors in the system.
In light of this situation, we question the relevance of the “at the same time” policy practiced by our Institute. How can we justify pursuing research aimed at developing technologies that depend on resources both scarce and non-renewable, or patenting living organisms without considerations for the social consequences, while “at the same time” promoting organic farming and agroecology? This paradox, biologically contradictory and politically unsustainable, jeopardizes the future of our agriculture. As long as public policies continue to predominantly support intensive agriculture, virtuous alternatives will not emerge.
Research institutes, such as INRAE, have responsibilities regarding how sciences are used and misused. They must endorse their role of counter-powers, providing balance to democracies, just like the press and justice do.
Simon Fellous, Director of Research for Ecology and Agiriculture at the French National Research Institute for Agriculture, Food, and the Environment (INRAE)
We firmly believe that INRAE, as a public research institute, must think of advancements in agricultural development and reposition itself to serve the public interest. It is essential to transparently question choices about food production, their distribution methods, and the market rules governing them. The Institute’s current project, largely imposed in a top-down manner, should be co-constructed with civil society, taking into account the specificities of the territories and aiming for shared food sovereignty.
The issues we are raising do not concern agriculture alone; they touch on our capacity to respond to future crises, mitigate the effects of climate change, protect our ecosystems, and ensure the food resilience of our territories. INRAE bears immense responsibility towards society. It is our duty, as a research institute, to oppose private interests that sow doubt and divert scientific results for their own interests. INRAE must actively defend researchers attacked for their work and fully endorse the conclusions of its research, regardless of external pressures.
To do so, a research institution must be strong and independent, based on respect for academic freedom and trust in its agents. We must reduce the weight of centralized structures and simplify administrative procedures to allow work collectives and career paths to thrive.
Science is a collective effort, which is why our candidacy for the presidency of INRAE is a collegial one. A team from the laboratories is better positioned to carry the Institute’s commitment alongside society and citizens. It is time for INRAE to find its place as a contributor to sustainable, equitable, and environmentally respectful agricultural research.
Face aux crises climatiques et aux limites du modèle agro-industriel, nous proposons une refonte de la recherche agricole.
Nous, un collectif de 27 chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), avons réfléchi ensemble à l’avenir de notre Institut. Certains d’entre nous ont rejoint l’INRAE récemment, d’autres y ont consacré toute leur carrière. Ensemble, nous formons un groupe diversifié en savoir-faire, en expériences, et en disciplines scientifiques. Nous soumettons notre candidature collective à la présidence de l’INRAE avec une ambition claire : questionner la programmation de la recherche pour soutenir une agriculture rémunératrice, respectueuse des écosystèmes, et au service d’une alimentation saine pour tous.
L’histoire de l’INRAE est indissociable de celle de l’agriculture française. Créé il y a près de 80 ans pour répondre à la pénurie alimentaire d’après-guerre, l’Institut a contribué à l’avènement d’une agriculture productiviste. Cette approche, fondée sur l’amélioration génétique des cultures et des animaux, l’utilisation massive d’engrais et de pesticides, ainsi que sur des pratiques agricoles gourmandes en ressources, a transformé notre agriculture. Le CEMAGREF, devenu IRSTEA, a permis le développement de technologies modernisant les exploitations agricoles, souvent au détriment des écosystèmes et des agriculteurs, dont les dettes et l’empreinte carbone n’ont cessé d’augmenter.
Si ce modèle agro-industriel a permis de nourrir la France pendant des décennies, il montre aujourd’hui ses limites. La surconsommation des ressources énergétiques et hydriques, la pollution des nappes phréatiques, la dégradation des sols, la chute de la biodiversité dans les champs, les maladies professionnelles, et les atteintes à la santé publique en sont autant de conséquences. De plus, ce modèle échoue à garantir une rémunération équitable pour l’ensemble du monde agricole, tout en enrichissant disproportionnellement certains acteurs du système.
Face à ce constat, nous remettons en cause la politique du “en même temps” pratiquée par notre Institut. Comment justifier la poursuite de recherches visant à développer des technologies dépendantes de ressources rares et non-renouvelables, ou breveter le vivant sans précaution pour les conséquences sociales, tout en promouvant l’agriculture biologique et l’agroécologie ? Ce paradoxe, biologiquement contradictoire et politiquement insoutenable, compromet l’avenir de notre agriculture. Car tant que les politiques publiques continueront à soutenir l’agriculture intensive, les alternatives vertueuses resteront marginales.
Les instituts de recherche, tels l’INRAE, ont des responsabilités face à l’utilisation et le détournement des sciences. Ils doivent assumer leur rôle de contre-pouvoirs, en apportant un équilibre aux démocraties, tout comme le font la presse et la justice.
Simon Fellous, Directeur de recherche en écologie et agriculture Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE)
Nous croyons fermement que l’INRAE, en tant qu’institut de recherche public, doit se repositionner au service de l’intérêt général. Il est essentiel de questionner de manière transparente les choix de production alimentaire, leurs modes de distribution, et les règles du marché qui les régissent. Le projet de l’Institut, largement imposé de manière verticale, doit être coconstruit avec la société civile, en tenant compte des spécificités des territoires et en visant une souveraineté alimentaire partagée.
Les enjeux que nous évoquons ne concernent pas uniquement l’agriculture ; ils touchent à notre capacité à répondre aux crises à venir, à atténuer les effets du changement climatique, à protéger nos écosystèmes, et à garantir la résilience alimentaire de nos territoires. L’INRAE porte une responsabilité immense envers la société. Il est de notre devoir, en tant qu’institut de recherche, de nous opposer aux intérêts privés qui cherchent à semer le doute et à détourner les résultats scientifiques à leur propre bénéfice. L’INRAE doit défendre activement les chercheurs attaqués pour leurs travaux et assumer pleinement les conclusions de ses recherches, indépendamment des pressions extérieures.
Pour ce faire, une institution de recherche doit être forte et indépendante, fondée sur le respect de la liberté académique et sur la confiance envers ses agents. Nous devons réduire le poids des structures centralisées et simplifier les démarches administratives pour permettre aux collectifs de travail et aux trajectoires professionnelles de s’épanouir.
Les sciences sont un effort collectif, et c’est pourquoi notre candidature à la présidence de l’INRAE est collégiale. Une équipe issue des laboratoires est mieux à même de porter l’engagement de l’Institut aux côtés de la société et des citoyens. Il est temps que l’INRAE trouve sa place en tant que contributeur d’une recherche agricole durable, équitable, et respectueuse de la planète.